Charles Morgan
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The Lebanon Connection/Morgan au Liban

We have given a new Discussions page to the lively Lebanese Charles Morgan Society in Beirut. It will be a bilingual page, as much intellectual discussion in Lebanon is conducted in French. A founding member of this group is Professor Jad Hatem, of St Joseph's University, Beirut.  We begin by publishing their Bulletin.


BULLETIN DE LA LEBANESE CHARLES
MORGAN SOCIETY
 
I
  
« In art nothing is certain except that the impossible will happen continually » (CM).
 
 
I. PRÉAMBULE
 
Nous déplorons la disparition du premier président de notre Society, M. David Marks à qui je tiens à rendre hommage. À lui revint l’honneur d’annoncer, en mars 2023, la création de notre Société, nouvelle publiée par le diligent professeur Roger Kuin, dans le site Facebook de l’International Friends of Charles Morgan : « Morganians will be happy with this announcement from David Marks in Beirut :
 
“There is a small but very dedicated and exclusive group of admirers of the works of Charles Morgan here in Beirut. The guiding spirit is Professor Jad Hatem, a highly respected and eminent senior member of the Université Saint Joseph here in Beirut. He is a prolific and inspirational scholar and writer as well as being a distinguished poet. You have only to see his extensive bibliography on Wikipedia to appreciate the sheer range and depth of his academic interests which far transcend the bounds of philosophy. Such is his affection and admiration for the works of CM that he has just published a monograph of almost 90 pages in French on La Mystique de l'Amour dans Fontaine de Charles Morgan. It is published by Editions Saer Al Mashrek here in Beirut in Lebanon (2023).
He has persuaded me and hopefully a number of other individuals interested in European literature to form a select but keen group of CM followers to be known as The Lebanese Charles Morgan Society. He has prevailed on me to be the President while Professor Hatem himself will be the Vice President. It is hoped that other officials might be appointed”.
 
We welcome the Lebanese Charles Morgan Society, wishing it a joyful and fruitful activity and many offspring ».

 
 
II. NOUVELLE PUBLICATION
 
Nicole Hatem, Charles Morgan au prisme de Kierkegaard. Lecture de Portrait dans un miroir, Beyrouth, Saër al Machrek, 2024.
 
 
III. ACTIVITÉS
 
Le 25 février 2023, discussion autour de Portrait dans un miroir, en présence du président de la Society, M. David Marks.
 
Le 1 juin 2024, séminaire autour de Sparkenbroke, dirigé par M. Jad Hatem, fondateur (en janvier 2023) de la Society et son actuel président.
 
M. Hatem a proposé un commentaire du poème inaugural du roman (Who mourns ?) en se basant sur la sentence qu’il estime offrir la signification ultime du thème de la mort qui est central et dont dépendent comme deux satellites, art et amour : « Sparkenbroke’s positive view of death as re-entry into a continuous reality from which birth and sensuous existence are a divagation » ». Pour ce faire, il s’est basé sur la philosophie de l’Identité de Schelling.
 
Mme Samar Abou-Zeid, vice-présidente de la Society, a développé l’argument suivant : À la fin de ma première lecture du roman j’ai pensé à certaines pistes de travail qui, évidemment, nécessitaient une deuxième lecture pour relever les passages qui permettraient d’étayer et de développer ces pistes. Et je n’ai pas fini cette deuxième lecture (ni non plus la relecture des textes de philosophie sur lesquels je compte m’appuyer). Ce que je vais évoquer ici n’est donc pas un raisonnement accompli mais quelques axes qu’il me reste encore à vérifier et à relier dans une lecture cohérente. L’idée de départ, c’est que Sparkenbroke illustrerait le rapport propre au temps tel que Heidegger le définit dans Etre et Temps. Le personnage a en effet depuis toujours (ou “toujours-déjà” en termes heideggériens) une compréhension de son être-pour-la-mort et est dans une “marche d’avance” dans la possibilité de celle-ci. Il assume également, “concrètement” si je puis dire, son être-jeté au monde, portant à l’origine de son être (en tant que Lord Sparkenbroke) une double négativité, une double “faute” ou “dette” (selon les différentes traductions de Schuld): celle de la trahison puis disparition de sa mère, et celle de la mort tragique de son frère (qui, lui, aurait dû être Lord Sparkenbroke). Et l’œuvre créatrice de sa vie, son art qui définit pour lui la vraie vie, la vie authentique, se fonde dans des extases qu’il a depuis son enfance, des instants privilégiés d’ouverture à l’être (la transe peut durer longtemps, en temps mesurer et compté, mais pour lui c’est un instant, une extase) et dans cette ouverture se dévoilent à lui la vérité de l’être, la fécondité de la mort, l’essence de la vie qui tient, en amour comme en art, à une mort qui signifie une renaissance, dans l’Autre ou dans l’Œuvre.
En comparaison, les autres personnages du roman seraient dans une temporalité plus quotidienne, qui déterminerait donc ce que Heidegger appellerait une existence impropre, ou inauthentique, selon les traductions de uneigentlich.
Or cette vision m’a ensuite paru simpliste, car tous les personnages importants, chacun à leur façon, sont dans un rapport authentique à la vie, et le roman semble déployer une multitude de possibilités d’existence authentique.
Les seules illustrations de l’existence inauthentique sont Peter, le père de Mary et les invités au bal, peut-être aussi Bissett, les gens fermés à la compréhension de leur être, et qui sont dans le divertissement, la dispersion, ou dont l’être-avec, en termes heideggériens, est un être-dans-la-moyenne, dans la médiocrité. Ceux-ci vivent dans la conception courante du temps. Mais George, Mary, le pasteur, Helen et Etty, sont dans un rapport propre à leur être et à autrui. Les indications temporelles à leur sujet montrent évidemment qu’ils oscillent, comme tous les humains, entre une dilution dans un temps uniforme et une saisie authentique d’instants revêtant une importance existentielle. Ils sont dans ce que Heidegger appelle l’intratemporanéité, le temps de la saisie de la significativité du monde et d’autrui.
Donc la deuxième idée serait que dans ce roman la délimitation entre le génie et ce qu’on peut appeler “la norme” passe par la distinction entre le temps ekstatique et l’intratemporanéité. Mais cette délimitation ne recouvre pas celle entre l’existence propre/authentique et l’existence impropre/inauthentique. Et cela devrait être étudié à la lumière d’une difficulté que l’on rencontre effectivement dans Etre et Temps: celle de déterminer le statut d’un présent de l’être-au-monde qui soit “neutre”, donc de la difficulté de parler d’un présent authentique qui soit viable. Car finalement l’ekstase est une exception, un surgissement dans l’instant, qui ne peut pas être répétitif ni fréquent, et ce n’est pas pour autant que la vie serait inauthentique, ou cela ne devrait pas l’être en tout cas.
Cela nous ramène à une autre difficulté que l’on rencontre chez Heidegger, liée à la traduction des termes eigentlich et uneigentlich respectivement par propre ou authentique, et impropre ou inauthentique. La difficulté de traduction peut sembler “étrangère” à Heidegger; lui-même ayant utilisé un seul terme à chaque fois dans sa langue source, et le problème de traduction pourrait sembler ne relever que de la langue cible. Mais en fait, même en allemand, Heidegger insiste sur le fait qu’il ne s’agit pas de distinction morale, et s’il le fait – s’il insiste – c’est bien parce que la connotation morale d’authenticité existe, dans le terme choisi, tout autant que la connotation de mienneté et d’appartenance. Et il me semble que l’on peut étudier dans le roman cette dualité de connotation. En effet, quand elle a rompu ses fiançailles, Mary a opté, dans l’instant de sa résolution (prise depuis un avenir impossible à imaginer avec Peter) pour une existence authentique. Et si Peter relève de l’existence inauthentique pour Mary, George et Piers représentent pour elle deux possibilités existentielles d’existence authentique. Or George est la possibilité que Mary choisit avec sa raison et sa volonté, mais aussi avec son cœur (ce n’est pas qu’elle n’en est pas amoureuse, le roman est subtil et toutes les différences sont de nuances); donc on peut affirmer que George représente pour Mary une possibilité d’existence authentique et propre (à cause de la mienneté de la décision). Mais dans le cas de Piers, il y a une insistance répétée tout le long du roman sur le fait que Mary est privée de sa volonté en sa présence, que c’est une passion qui la prend, et à laquelle elle ne peut que s’abandonner. Donc il serait difficile de dire que Piers représenterait pour elle une possibilité d’existence propre (au sens de la mienneté, de la propriété), alors qu’il représente certainement une possibilité d’existence authentique (puisqu’elle engage tout son être)
On pourrait peut-être en dire autant d’Etty, l’épouse délaissée, qui mène une existence résolue, dirigée toute vers un but unique: assurer à son mari toutes les conditions pour qu’il puisse réaliser son être, son art, trouver son amour. Dans son cas non plus on ne saurait parler d’existence propre, mais certainement d’existence authentique.
Le lieu où le propre et l’authentique se confondent semble être le presbytère (comme lieu matériel) ou la famille du pasteur (comme lieu spirituel). Ce qui transparaît le plus dans les diverses descriptions des trois personnages qui composent ce lieu – le pasteur, George et Helen – c’est l’authenticité de leur être-avec: tous les trois savent être à l’écoute de leur propre être et en même temps de celui d’autrui, tous les trois savent entendre tant les paroles d’autrui que son silence, tous les trois ont une compréhension profonde de l’âme humaine, et la principale qualité des trois c’est qu’ils laissent-être l’autre, ne le délestent pas de ses problèmes (comme ce que ferait le “on”) mais le recueillent dans une présence rassurante et le laissent se retrouver librement, à son propre rythme.
C’est sans doute cela que Paul Ricœur appelle “sollicitude”, et qui compose pour lui le deuxième moment de la visée éthique. Une hypothèse non suffisamment vérifiée encore: si c’est dans la famille du pasteur que cela se manifeste, c’est bien parce que le propre et l’authentique y coïncident. C’est parce qu’il y a estime de soi, et de l’autre comme soi, que la visée éthique peut se déployer. Alors que dans les cas de Mary et d’Etty le soi, dans une certaine mesure, s’efface, s’écrase (face à Piers). Certes toutes les deux suivent des règles morales – Mary a peur du péché par exemple – mais elles ne sont pas dans une dimension véritablement éthique.
Encore une hypothèse à partir de là: l’existence de Piers non plus ne déploie pas une visée éthique. Il vit pour le saut religieux désiré, ou le saut dans l’Absolu, il attend/espère l’extase de la mort, donc il est profondément spirituel, mais en même temps il apparaît comme un être égoïste, il fait du mal à ceux qui l’aiment, il le sait et le reconnaît explicitement, mais cela ne change rien à son attitude, non parce qu’il serait mauvais, mais parce qu’il vit selon l’exigence de la véritable vie pour lui (selon son existence propre), celle de la création artistique, et tout est secondaire par rapport à l’extase (artistique, amoureuse) recherchée.
Et donc en conclusion (hypothétique): La possibilité de l’éthique serait donc davantage du côté de l’intratemporanéité des Hardy que de la temporalité ekstatique de Sparkenbroke.
 
Mme Nicole Hatem a proposé une interprétation de Sparkenbroke à partir de l’essai sur L’Unité de l’esprit et, plus particulièrement, de la sixième béatitude de l’évangile de Matthieu (4, 8) identifiée à cette unité et inscrite sur le mur de l’église à la mémoire du personnage éponyme. Grâce à cette grille de lecture, de nombreux éléments du roman ont trouvé leur sens dans le processus d’accomplissement de Sparkenbroke, (le « fanatisme » qu’il manifeste pour son art, sa patience dans l’écriture, son rapport à la chair, Nelson pris comme modèle, ses lieux de retraite et ses réflexions et attitude finales (affirmations que son « cœur est uni », qu’on ne découvre rien que par « miracle » et réflexion humble sur la valeur de toute existence humaine qui porte une étincelle divine ; attitude de détachement par rapport à la femme aimée), mais aussi dans l’évolution de l’héroïne, Mary, (son aspiration à l’unité dans son attente, dans son désir de se développer, d’avoir un but dans la vie, son attrait pour Sparkenbroke, son refus de faire souffrir autrui par un adultère) et son échec (comme en fait foi son cœur partagé).
 
M. Charbel El Amm aborda la relation de Piers Sparkenbroke à la mort qui se manifeste comme réalité multiforme et polysémique. Elle est associée à l’art, l’amour, l’être dieu, la complétude, la réalisation intérieure, la paix et le bonheur. Elle est surtout un instant de continuité entre la vie dans le corps, et une vie purement spirituelle. Le roman commence avec elle (quand Piers se trouve seul dans le caveau) et s’achève avec elle (quand Piers décède).
 
Le propos de M. Joe Habis a porté sur le lien de Sparkenbroke avec Keats, qui figure en épigraphe du roman, et dont Mary lit les lettres après son retour de Lucques. Y figurent les notions de « capacité négative » et de « poète caméléon », qui éclairent et mettent en relation, de manière intéressante, les thèmes de l’art et de la mort chers à Charles Morgan.
 
Dans son intervention, Mme Nayla Habis a voulu expliquer comment l’abandon par sa mère alors qu’il était encore un jeune garçon, a influencé le caractère et la vie de Piers. Il a cherché cet amour maternel perdu, d’abord dans le caveau familial qui symbolise le retour au sein maternel, puis en Italie, là où sa mère s’est installée après son départ, puis de femme en femme et enfin chez Mary, la seule avec qui l’amour n’a pas été consommé. La figure de Mary portant sa valise à la fin du roman, représente pour lui le retour de sa mère, l’accomplissement de sa quête, son but ultime et sa mort.
 
Mme Hoda Eid tient que Mary a été “utilisée” par Piers afin d’aboutir à son but : achever son livre puis mourir. Ainsi elle fut « une occasion » au sens kierkegaarden (voir les Miettes philosophiques) dans la trajectoire à la fois affective et créatrice de son séducteur, la différence intellectuelle entre eux ayant favorisée cette attitude.
D’autre part, entre fidélité et adultère, Mary, torturée par sa conscience ( et ce contrairement à Piers) en arrive à transformer le mal en bien et à éprouver « l’impossibilité de prier contre l’amour ».
 
Mme Joyce Khoury Hélou a fait la remarque suivante : 1. Mirror, mirror on the wall, who’s the fairest of them all ? 2. Qui de July, Claire ou Mary est la plus belle, on se demande… 3. Reste à faire la connaissance de Vivien (Le Juge Gaskony), qui sans doute est très belle aussi, 4. car quel intérêt peut-on porter à une femme, selon Morgan, si elle est dénuée de cette qualité ? 5. La seule qui fait se distinguer une femme des autres.
 

 
IV. LA RÉCEPTION DES ROMANS
DE CHARLES MORGAN EN ESPAGNE
 
Mme Lourdes Godoy nous adresse l’information suivante :
Ayant pris connaissance de la fervente admiration de Jad Hatem pour les romans de Charles Morgan, j’ai tenu à découvrir cet auteur et pour cela ai lu The Fountain et Sparkenbroke. Pourtant, la première mention qui me soit parvenue au sujet  du romancier anglais fut due à mon ami Pep Solà, qui eut la gentillesse de m’offrir un exemplaire de The Fountain en traduction castillane (La Fuente) de 1948. Plus tard, j’ai acquis Sparkenbroke en une édition également castillane de 1956, mais comme le papier jaunâtre et les lettres trop petites rendaient la lecture inconfortable, j’ai fini par me procurer et lire la traduction française republiée aux Éditions du Rocher (2001). Je possède aussi Portrait in a mirror (Retrato en un espejo, 1947).
​Charles Morgan n’a guère été traduit en catalan et il est aujourd’hui un auteur presque complètement inconnu en Espagne. La traduction la plus récente que j’ai  pu localiser c’est La llamada infinita : Sparkenbroke, de 1973, édité à Barcelone par José Janés, mais les immédiatement antérieures sont des années 50. Cela ne signifie pourtant pas qu’il a toujours été ignoré, car pendant les années 40 et 50 du siècle passé un bon nombre de ses œuvres ont été traduites en castillan et quelques unes ont connu plusieurs réimpressions, la plupart par l’éditeur Janés.
 
Retrato en un espejo (1942)
La estancia vacía (1943)
Sparkenbroke (1943)
La Fuente (1944)
El río deslumbrante (1947)
El viaje (1947)
Camino secreto (1951)
La historia del juez (1959)
El escritor y su mundo (1963)
 
La revue Escorial publia en octobre 1944 un long article critique très affiné intitulé “Las novelas de Charles Morgan” signé par Ricardo Gullón (accessible en ligne sur cervantesvirtual.com), qui avait déjà parlé de l’auteur anglais en 1935 dans la Revista de Occidente et qui a dû le lire en anglais. Cela témoigne que Morgan était un romancier célèbre à l’époque, on pourrait même dire à la mode.
Pep Solà, auteur de la biographie du grand poète catalan Joan Vinyoli, La bastida dels somnis. Vida i obra de Joan Vinyoli (2010), signale que le poète était lecteur de Morgan, au moins de ses deux romans principaux: The Fountain, car il en parle dans une lettre de 1945: «També llegeixo La fuente de Morgan», mais celui qui suscita son plus grand intérêt fut Sparkenbroke, qu’il connut par l’édition de 1943 qui se trouve dans sa bibliothèque avec des signes d’utilisation.
Emportée par l’enthousiasme de Jad Hatem pour Sparkenbroke, j’en ai parlé à un éditeur catalan pour voir si le roman pourrait l’intéresser, mais ma proposition n’a pas fructifié. Morgan reste, pour le moment, un auteur à redécouvrir.
 



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